De la destruction du savoir en temps de paix

Publié le par SUD étudiant

Sauver l'étude des lettres et de la philosophie. Sauver la recherche. Sauver les collections du musée de l'Homme. Défendre l'inaliénabilité des chefs-d'oeuvre des musées français. Sauver le patrimoine de l'Imprimerie nationale. Sauver les fonds de plusieurs bibliothèques... Des enseignants, des chercheurs, des conservateurs, des archéologues lancent des appels pressants devant le péril que court leur discipline ou leur institution.
À partir du début des années 2000, un processus implacable devient manifeste. C'est à une véritable tentative de destruction du savoir que nous assistons.
À cet égard, l'école - dont les faillites sont désormais plus difficiles à dissimuler - aura été le champ d'expérimentation premier : on cherche à mettre fin à la transmission du savoir, et ce depuis près de trente ans. Derrière les discours politiques qui se sont succédé, une même logique à l'oeuvre. Toutes les réformes ont été menées selon des critères de rentabilité immédiate, selon des normes de « bonne gouvernance » mêlant management et marketing. L'Éducation nationale a repris à son compte les préconisations des grandes institutions financières internationales ou de l'Union européenne.
Peu analysées sous l'angle de cette orientation économique, la crise de l'école mais aussi la rapide dégradation de l'université et de la recherche publique trouvent pourtant là leur cohérence. Alors que l'instrument principal de son application vient d'entrer en vigueur (la loi organique relative aux lois de financement, dite LOLF), il importe de comprendre que le processus se poursuivra si nous ne l'arrêtons pas.


Depuis la fin des années 70, la culture fait l’objet d’une sorte de grand sabotage. Non qu’elle soit victime d’un complot conscient et sciemment organisé.

Il s’agirait plus simplement d’une tendance, que révèle ce livre : L’INSTRUMENTALISATION DU SAVOIR à des FINS PUREMENT ECONOMIQUES, la victoire de la compétence sur la connaissance.

Cette thèse s’appuie sur des faits, des chiffres, des sources vérifiables et issus le plus souvent d’organismes officiels. Les auteurs : universitaires, professeurs du second degré, chercheurs, bibliothécaires, archéologues, conservateurs de musées, membres d’associations, sont divers par leurs appartenances politiques et leurs formations. Mais chacun a été témoin de faits précis, emblématiques d’une certaine tendance. Tous sont d’accord pour définir cette tendance par quatre points essentiels :

1°Le remplacement des connaissances, définies selon des critères scientifiques par des spécialistes, par des compétences adaptatives modelées selon les critères des décideurs de la sphère économique ;

2°Le désengagement de l’Etat dans la définition des normes et la validation des connaissances comme dans le financement de la recherche et de l’enseignement ;

3°La dévalorisation de la culture comme transmission intergénérationnelle au profit d’une « culture jeune » caractérisée par l’éphémère et le territorial, adaptée à une conception consumériste de la vie en société, et rendant impossible une inscription dans l’histoire et l’esprit critique qui l’accompagne ;

4°L’émergence d’une « novlangue » dont les maîtres mots sont : compétence, professionnalisme, gestion, autonomie, innovation, mobilité, transversalité ; et dont la fonction principale semble être de mettre en place une nouvelle idéologie, mais masquée, puisqu’elle prétend par principe rejeter toute idéologie.

Corinne ABENSOUR, Bernard SERGENT, Jean-Philippe TESTEFORT et Édith WOLF (sous la dir.) Avec les contributions de Kathleen BARBEREAU, Frédérique KLEMAN, Jacques MAILLARD et Pascal POLISSET.

Parution avril 2007

Publié dans Réfléchir pour agir

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article