Procès gagné pour Alain Garrigou contre un conseiller de Nicolas Sarkozy et fin de l'Opiniongate

Publié le par SUD-Etudiant Nanterre

Le Tribunal de Grande Instance de Paris, par un jugement du mercredi 16 février dernier, a débouté Patrick Buisson des poursuites qu'il a engagé contre Alain Garrigou, professeur de sciences politiques à l'Université Paris-X Nanterre, et dont nous nous faisions ici l'écho

Buisson, conseiller politique de Nicolas Sarkozy très influent (en particulier pour son travail de séduction des électeurs traditionnels du Front National) l'avait assigné en justice pour "diffamation publique" en raison d'une interview accordée au quotidien Libération (et publiée le 6 novembre 2009). Le spécialiste de sociologie électorale y dénoncait les pratiques de l'Elysée en matière de sondages politiques. Celle-ci avait en effet recours à la société Publifact (dont l'actionnaire majoritaire est Patrick Buisson) à titre d'intermédiaire, sans appels d'offres et malgré les sommes excessives demandées, pour recueillir des enquêtes d'opinion auprès de la société OpinionWay (pratique pour laquelle une information judiciaire vient finalement d'être ouverte). Et Alain Garrigou de s'interroger sur les buts de ces surfacturations.

Cette affaire de menace judiciaire à l'encontre d'un politiste pour l'exposé du résultat de ses recherches avait alors pris pour ses défenseurs le nom d'"Opiniongate".

Le Tribunal de Paris a conclu de manière satisfaisante que, s'il ne pouvait pas apporter la preuve de toutes les hypothèses qu'il a énoncé, leur auteur ne peut être reconnu que de "bonne foi" en raison de son travail de recherche en amont et de son but d'information du public. Pour le juge, "compte tenu du sujet d'intérêt public alors abordé  et du contexte politique à forte tonalité polémique dans lequel elle a été proférée, l'hypothèse envisagée n'a pas excédée les limites de la liberté d'opinion volontairement polémique".

Avec ces poursuites contre un chercheur faisait acte d'utilité publique en apportant l'éclairage de sa spécialisation à une question de société, c'est la mise au pas actuelle du travail intellectuel qui se dessinait avec plus de précision. Mais elles prenaient aussi la forme d'une intimidation en intervenant en plein mouvement social de l'ensemble de la communauté universitaire contre la loi LRU et ses nouveaux décrets d'applications, mouvement qui se distinguait  pour la première fois par la présence massive d'enseignants-chercheurs dans les rangs des grévistes.

Comme le rappelle Jérôme Valluy, il s'agit bien d'une "victoire des chercheurs". Mais il s'agit aussi de tous les opposants d'un pouvoir qui se réclame de plus en plus opportunément de la "liberté d'expression" pour attirer les électeurs issus de l'extrême-droite, mais qui entend parallèlement museler les voix potentiellement critiques.

Publié dans Nanterre

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